La main de Massiges est aujourd’hui un lieu incontournable pour le devoir de mémoire envers les poilus de la grande guerre ; là, tout près de l’immense nécropole de Minaucourt, on peut voir, comprendre ce qu’était la guerre de tranchées et ce qu’était la vie des combattants. Et chaque année ce sont des touristes, des scolaires qui viennent découvrir ce site.
Tout cela est dû à une équipe de bénévoles qui creusent, déblaient, répertorient, pour remettre au jour ces tranchées où de nombreux hommes ont souffert. Les combats de 1915 y furent terribles.
Dans les années 20, on œuvrait pour faire disparaître les abris bétonnés, les tranchées, et tout ce qui déformait le paysage : on mettait en bottes les barbelés, on ramassait les métaux, on détruisait les abris bétonnés.
Comme on pourra le lire dans l’article suivant, des hommes creusaient le sol pour récupérer quelques morceaux de fer, de la récupération destinée bien sur à la revente.
Le journaliste du « Journal de la Marne » expliquait comment on pouvait détruire ces abris avec de la chédite, un explosif employé dans les carrières et qui tire son nom du village de Cheddes [1] où était fabriqué cet explosif.
La disparition des abris bétonnés.
La suppression, sur le front de Champagne, de tous les vestiges de guerre continue da marche méthodique. Après le rebouchage des tranchées, boyaux, cratères et trous d’obus, après la mise en botte des barbelés, l’extraction des métaux, l’enlèvement de toutes les pièces de bois qui constituaient les gourbis, c’est en ce moment le grand démantèlement des abris armés, bétonnés, autrefois nids de mitrailleuses ou postes de commandement.
"La démolition en a été confiée par lots à des entrepreneurs dont la besogne, cette fois, grosse de responsabilités, exige des moyens d’une puissance peu commune.
Voici d’ordinaire comment on procède quand un abri ne peut être attaqué par le pic. On y place une quantité de chédite proportionnée à l’importance de l’ouvrage et à l’épaisseur des parois ; on y entasse, par surcroit tout ce qu’on a pu recueillir d’obus, de grandes trouvés dans les environs. On dispose un fil de 100 à 150mètres permettant à distance, au moyen d’une magnéto à levier, d’enflammer une amorce au fulminate de mercure qui détermine la déflagration. En un instant, après le grand craquement de l’explosion, des blocs sont projetés comme par une éruption volcanique et la terre tremble comme autrefois sous les bombardements.
Le principal est fait ; il ne reste plus qu’à dégager le blindage en concassant les blocs. C’est, comme on le voit un gros travail, surtout si l’on songe qu’il subsiste en certains endroits, par kilomètre carré, 40 ou 50 de ces ouvrages de guerre."
Des soldats découverts.
Et comme aujourd’hui, on découvrait des morts, des soldats dont le corps avait été enseveli après les explosions ou, comme le relate le journal de 1927, qui avaient été enterrés à la hâte par des brancardiers. Le journaliste relate même un fait étonnant, qu’il nomme de « détail curieux » et qui pour nous est effrayant : une racine qui chemine dans le corps d’un soldat. Ce pauvre fantassin n’aura été épargné ni par la guerre ni par la nature.
"A la Main de Massiges, on découvre le corps d’un soldat identifié.
Un jeune homme de Cernay-en-Dormois, M. Charles Bonhomme, creusant le sol un peu au hasard pour y découvrir du métal de récupération, vient de découvrir, sur le bord, versant sud de la Chenille, dite Garenne de Cernay, à son point de jonction avec la Main de Massiges, un corps de fantassin seulement recouvert d’un peu de terre.
Averti par M. Ernest Gérardeaux, cultivateur, M. Le curé de Cernay, délégué officiel pour les familles des disparus, se mit jeudi 3 mars, avec des jeunes garçons, à la découverte du corps signalé. Il procéda à l’exhumation et au transport après avoir recueilli toutes les reliques.
La plaque d’identité, écorniflée par un projectile, portait : « Vincent, classe 1902, recrutement de Montpellier ; mle 614 ». Le portemonnaie contenait, outre la plaque d’identité, quelques pièces et trois médailles religieuses.
Ce fantassin frappé à la tête par un éclat d’obus qui perfora son casque, fut tué sans doute au cours d’une attaque et, se trouvant trop avancé vers l’ennemi pour qu’on pût évacuer le cadavre, dut être enterré hâtivement sur place par un service de brancardiers.
Le corps était de grande taille et, détail curieux, une racine d’arbre avait pénétré dans l’épine dorsale et cheminé tout au long du canal de la moelle épinière.
Immédiatement renseigné sur cette découverte, M. Toussaint, président des « Nouvelles du soldat », trouvera près du bureau de recrutement de Montpellier, dans le but de prévenir les parents, tous détails complémentaires".
Un bien triste travail perpétué aujourd’hui par les bénévoles de la Main de Massiges.
John Jussy