La Clémence Bourillon qui allait en journée (qui se louait à la journée) pour l’Henry Hobrinet, était toujours à couteaux tirés avec son homme l’Arsène Batisse. Ils se chamaillaient à propos de rien et ils en étaient venus à se haïr pour de bon.
Un beau jour, au matin, v’là t’y pas que la Clémence ne se réveille pas ! Elle était blanche comme un linge. Ses yeux étaient tout retournés et son nez pincé !
Point de doute. La pauvre femme venait de
trépasser sans dire un mot. L’Arsène a fait canse d’être fort désolé en allant chercher la mère Simonet pour ensevelir la morte. Au soir les gens sont venus jeter de l’eau bénite. L’Hermance Draguet a même voulu soulever le drap « Eh mon Dieu ! A-t-elle gémi, comme on change quand on est mort ! Dire que nous y passerons tous ».
Deux jours plus tard, le curé est venu chercher la Clémence pour la conduire au cimetière. L’Arsène était le premier derrière le corps ; de temps à autre il s’essuyait les yeux avec son mouchoir, comme s’il avait la grande douleur de voir s’en aller sa femme pour la vie des vies.
L’enterrement empruntait un raccourci par une ruelle et les porteurs, sans le faire exprès, avaient « toqué » un petit peu la boîte (le cercueil) après le pignon de chez l’Hubert Adam ; ce fut suffisant pour réveiller la Clémence qui n’était qu’en léthargie comme ils disent aujourd’hui
On l’a retirée aussitôt et reconduite à la maison. Mais vous pensez bien que ça lui a retourné les sangs une affaire pareille. Elle est tombée malade, et huit jours après elle mourait pour de bon ce coup là. Il a fallu refaire tout l’ouvrage ; l’Arsène était fort en colère, pensez donc !
Comme on empruntait le même chemin, avant d’arriver dans la ruelle, il a prévenu les porteurs « Surtout, faites bien attention au pignon de chez l’Hubert ! »