<span style=’margin-left:45px ;’> En ces années de commémoration de la grande guerre, les articles, souvent répétitifs, nous décrivent à foison la vie de poilus dans les tranchées, les offensives le plus souvent peu fructueuses sur terre et les atermoiements des états major. Parfois on ressent une certaine lassitude à relire dans la presse pour la énième fois les mêmes articles. Alors prenons de la hauteur pour évoquer les combats aériens et en particulier deux événements qui ont marqué notre secteur.
Certes, l’aviation et en particulier l’aviation militaire n’en est qu’à ses balbutiements. Mais, comme souvent, la guerre va permettre des progrès considérables. Les avions avec une armature en bois tendu de toile restent fragiles et les accidents lors des atterrissages sont nombreux comme nous le verrons. Les efforts portèrent sur la motorisation, l’augmentation de la charge utile permettant des bombardements et surtout la pose d’une mitrailleuse synchronisée avec l’hélice qu’elle ne doit pas endommager. Nous allons parler de tout cela en évoquant un Ménéhildien de passage.
L’aviateur Henri Barnay
C’est un petit gars, un mètre 66, mécanicien-électricien né en 1891 en Saône et Loire, qui s’engage dans l’armée en 1911. Avant qu’on ne le retrouve sur un terrain d’aviation à Sainte-Ménehould en 1916, il va connaître un début de carrière des plus tumultueux. Nommé caporal à Casablanca en 1912, il est cassé de son grade en 1913. Cette même année à la suite d’une permission de 24 heures à Paris, il manque l’appel et devient déserteur. 1914 c’est la guerre. Il se présente volontairement à son régiment. Tout s’accélère. Il est amnistié, nommé caporal, pourvu d’un brevet de pilote militaire et envoyé combattre sur le front d’Orient. Quatre mois plus tard il est rapatrié en métropole pour paludisme. Il est nommé sergent et pilote de l’escadrille N37, nous allons le retrouver à Sainte-Ménehould.
Barnay connaît son heure de gloire le 19 mai 1916
Il pilote un petit avion de chasse, le Nieuport maintenant pourvu d’un moteur plus puissant le rendant redoutable. Mais en face, les Allemands possèdent aussi depuis 1915 d’une arme de même niveau, le Foker.
En vol au-dessus de l’Argonne notre petit Français aperçoit un avion ennemi. Il est soulagé en constatant que ce n’est point un Foker mais un Rumpler, avion de reconnaissance et d’appui avec deux hommes d’équipage. Il l’attaque et l’oblige à se poser dans une pâture en bas de la Noue, hameau des Islettes. Le pilote et l’observateur de l’avion furent fait prisonniers. L’avion gardé par une ceinture de soldats territoriaux fut soumis à l’expertise de spécialistes français afin d’étudier les nouveautés techniques utilisées par l’ennemi. Le sergent Henri Philippe Barnay bénéficiera le 24 juin d’une citation à l’ordre de l’armée : « Excellent pilote, plein d’allant et de mordant, le 19 mai, s’est lancé à la poursuite d’un avion ennemi, l’a attaqué et l’a forcé à atterrir dans nos lignes ». Dans la foulée il est nommé adjudant.
Un atterrissage peu glorieux
Quelques jours plus tard, aux commandes de son Nieuport, il rate son atterrissage sur le terrain de Sainte-Ménehould. L’avion est détruit. Il est blessé à la mâchoire et perd six dents. Sa belle carrière est terminée. Il est dégradé et affecté à un régiment du Génie, puis à un régiment de chars. Il connaîtra les dangers de l’âpre guerre au sol. Il sera gazé et ne sera démobilisé que le 9 août 1919. Il a 28 ans.
Et la vie continue
Barnay va s’installer à Sainte-Ménehould, au 60 de la rue Chanzy. Là il luttera contre un paludisme chronique qui se manifestait tous les mois. Puis en 1927 il prend un café à Briey qu’il quitte en 1938 pour un établissement plus important, l’hôtel-restaurant de la gare de Pagny-sur-Meuse. Pendant la seconde guerre mondiale la fibre patriotique palpite de nouveau. Il aide des prisonniers évadés. Il est arrêté en février 1944, incarcéré à Nancy puis déporté en Allemagne. Il décède au camp de prisonniers d’Hambourg-Neuengamme le 11 juin 44.
J’ai pensé que ce patriote qui fut Ménéhildien, méritait de sortir de l’oubli.
François Duboisy, documentation A. Chevallier
Les deux avions sur le terrain de La Noue
Henri Barnay et l’avion ennemi contraint à se poser
Un atterrissage peu glorieux