Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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La prison de Sainte Ménehould après la révolution.

   par Jean-Claude Léger



Jean Kuecht dit Vallet avait été nommé, depuis le 1er Mars 1784, concierge des prisons Royales du Baillage de Sainte Ménehould, homme sérieux il a toujours rempli la fonction à la satisfaction des officiers chargés de la surveillance des prisons. Il intervient au début du mois de janvier 1792 pour expliquer à la municipalité ses difficultés financières. Il a des obligations mais aussi des charges à savoir : de fournir les registres d’écrous, d’avoir des fers et des menottes. La révolte, la mauvaise conduite méritaient la punition des prisonniers, ces ferrages étaient nécessaires. Le concierge devait également la fourniture de la paille, conformément aux règlements.
Au cours de l’Ancien Régime le traitement pour Jean Kuecht était d’une part 100 livres versées sous forme de gage sur l’état du Roi des domaines à Châlons, d’un sol par jour et par prisonnier pour la fourniture de la paille que le boulanger adjudicataire du pain était tenu de lui payer. Un autre revenu était la chambre appelée la pistole, elle était garnie par le concierge de lits pour coucher les prisonniers civils. La pistole en France était une monnaie de compte qui valait dix livres, être cousu de pistoles était synonyme d’être très riche, familièrement on parlait d’être à la pistole ce qui signifiait d’avoir une chambre particulière dans une prison. La perception de ces revenus permettait au gardien de pouvoir vivre et d’assurer les dépenses et la surveillance des prisonniers. Jean Kuecht s’était affranchi d’un guichetier, mais possédait deux chiens qu’il devait nourrir. A cette époque le baillage royal était très étendu, la juridiction de la prévôté comprenait les brigades de la maréchaussée de Grandpré, Montfaucon, Auve, Possesse, Vitry, Saint- Dizier et Sainte Ménehould, les juridictions des greniers à sel, des traites foraines et les maîtrises des eaux et forêts. Ces nombreuses juridictions donnaient lieu à de fréquents emprisonnements. Les prisonniers civils, les criminels, les mendiants, les vagabonds, les soldats déserteurs et autres formaient une population variant journellement de 20 à 30 prisonniers, il en résultait un produit très apprécié pour conforter les ressources du concierge.
Le dernier semestre de 1790 verra passer dans la prison que des déserteurs de nombreux régiments comme Condé dragons, Picardie, Auvergne, Bourbonnais, Vivarais, Royal Roussillon et autres, seulement trois déserteurs de l’étranger. Au total il sera versé au concierge la somme de 16 livres et 18 sols au titre de 330 journées de paille gîte et geôlage pour 11 détenus. Au cours du premier semestre de 1791, le nombre des journées passe à 1149 pour 11 détenus, les séjours en attente de jugement augmentent, ils sont tous prisonniers militaires, on notera l’emprisonnement de Jean Claude Minette Colonel Général du 3 mars au 24 avril.
Le gardien de prison est totalement dépité par la nouvelle division du royaume en départements et districts, la Révolution va mettre en péril ses ressources. Les lois concernant le code pénal, la police de sûreté, la police correctionnelle, vont réduire des trois quarts la juridiction de Sainte Menehould pour une même charge le concierge va se trouver sans moyens de subsistance. L’état du Roi a été supprimé il y a un an, le 1er janvier 1791, alors les 100 livres de gage seront-elles encore versées ? Des interrogations sont encore soulevées, le sol par prisonnier pour la fourniture de la paille vient d’être mis en adjudication par la municipalité, c’est le boulanger qui sera chargé de cette fourniture et enfin la chambre de pistole va être supprimée. Il faut encore préciser qu’à cette époque le concierge devait fournir les fers et les menottes, les lits et le linge de la chambre de pistole, ces fournitures lui ont coûté pas moins de sept cents livres, comment va-t-il pouvoir être remboursé de ces frais ? Il espère que le décret du 16 septembre, 1791 qui concerne d’une part la création de la Gendarmerie nationale nouvelle institution héritière des anciennes maréchaussées et d’autre part les corps administratifs, va régler le sort des concierges des prisons, maisons d’arrêts et maisons de correction. Il souhaite et ose espérer que son traitement pourra lui permettre de vivre honnêtement et de fournir aux charges inséparables de sa place. Il est évidant que l’importance de sa rétribution doit être déterminée par les soins, la surveillance et la nouvelle discipline qui doit régner dans les prisons, ce qui vient d’être édictée par le nouveau régime de détention et non plus par le nombre de prisonniers. Jean Kuecht dit Vallet croit devoir demander que son traitement soit de 1200 livres pour vivre honnêtement et pour les soins, peines et responsabilités de sa place. Le Directoire de Sainte Menehould, après avoir pris connaissance de la revendication, a répondu le 9 février 1792 d’une façon circonspecte : qu’il y avait lieu de surseoir à cette demande en attendant que le mode des salaires soit déterminé.
La maison qui servait de prison pour le baillage de Sainte Menehould est adjacente à l’hôtel de Ville, le logement est suffisant pour devenir une maison d’arrêt demandée. Jusqu’en 1789 les tribunaux ne prononcent pas de condamnation à la prison, les peines prévues sont la mort, les galères, l’amende honorable, le bannissement, le pilori, l’exposition, la marque. La Constituante revoit l’échelle des peines, il ne s’agit pas de moins punir, mais de mieux punir. L’enfermement des délinquants soumis à la rééducation d’une discipline stricte, d’une surveillance constante et d’un travail assidu, paraît à beaucoup l’indispensable solution d’où la création des maisons d’arrêts.
La prison, est construite en pierres et briques, sa solidité se présente satisfaisante (photographie ci-contre : il subsiste de la prison ce mur). Faisons le tour de la demeure, nous découvrons au rez-de-chaussée trois chambres réservées au logement du concierge, une grande chambre servant de chaufferie et de réunion aux prisonniers, plus loin trois cachots ensuite la chapelle et deux très beaux celliers, la cour de promenade est assez vaste. Le premier étage est composé de six belles chambres pour le coucher des prisonniers, les chambres, au-dessus des chambres du geôlier, sont destinées aux hommes, également les chambres situées du côté de la chapelle. Les femmes sont logées au-dessus des celliers.

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