Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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Un gamin dans la tourmente de la guerre (suite).

   par Raymond Gérardot



Au moulin, nous n’avons jamais souffert ni du froid ni de la faim. Une grosse cuisinière à bois trônait au milieu de la cuisine et chauffait toute la maison. L’hiver je m’endormais bien au chaud sous l’édredon, mais le matin, sur ma fenêtre, le givre avait dessiné un bestiaire qui alimentait mon imagination.
Il y avait toujours quelque chose qui mijotait sur le feu : du veau, du boeuf, du porc, des pommes de terre, de la soupe. Parfois on faisait cuire une tranche de lard sur la braise au bout du tisonnier. Serré avec le pouce sur un morceau de pain blanc, on se brûlait délicieusement. Le « chaillon » craquant était toujours trop petit ! Le soir, nous mangions une grosse assiettée d’une soupe très épaisse faite avec du lait, de la farine et parfois du sucre. Je n’ai jamais retrouvé cette saveur ! C’était fameux et... surtout nourrissant.

En automne, on faisait du cidre conservé à la cave dans de grands fûts. Il était à peu près bon au début mais quelle piquette à la fin du tonneau !
L’hiver c’était la « Saint Cochon ». On le conservait dans un grand saloir et je me souviens qu’on emmenait une petite grillade à quelques amis, à M. le Curé, et à l’instituteur. Les jambons séchaient dans la cuisine, suspendus au plafond et que l’on pensait bien à l’abri dans une étamine. Quand, en été, nous en coupions de bonnes tranches pour « marender », il était quelquefois habité ce qui ne gênait absolument personne. Les intrus étaient simplement éliminés avec la pointe d’un couteau ! Et bon appétit... Mon père racontait que pendant la grande guerre, des blessés restés plusieurs jours sur le champ de bataille, ont sauvé leurs membres grâce aux asticots qui nettoyaient les plaies !
J’ai peu de souvenirs du passage du « Père Noël ». Pourtant, en 1944 ou 1945, dans mes galoches, j’ai trouvé deux oranges que j’ai longtemps admirées avant de les déguster et un porte-monnaie en carton bouilli avec quelques piécettes. J’étais inondé de bonheur ! Les enfants d’aujourd’hui sont submergés de cadeaux de toutes sortes. Eprouvent-ils autant de plaisir en les recevant ?... Je n’en suis pas sûr.
De la libération jusqu’au jour où mes parents ont quitté le moulin. J’ai toujours vu le portrait du général De Gaulle accroché au mur de la cuisine qui nous servait aussi de salle à manger. Le Grand homme présidait tous nos repas. De Gaulle était le sauveur de la patrie !
Voilà quelques souvenirs d’enfance ! Pourquoi ai-je décidé de raconter tout cela ? Peut-être parce qu’aujourd’hui, j’ai déjà fait un grand bout de chemin et puis j’ai voulu laisser ce témoignage à nos deux enfants et à nos cinq petits-enfants.


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