Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
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Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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Et revoilà Jean-Baptiste Drouet

   par François Duboisy



J’ai mis des années à lire tout ce qui a été écrit sur ce ménéhildien, à rassembler une importante documentation, à lutter contre fables et légendes dont il fut affublé. Ce travail m’a permis d’écrire la seule biographie du personnage en 2013 : « La folle vie du révolutionnaire Jean-Baptiste Drouet ». Je souhaitais qu’il ne tombe pas dans l’oubli, d’autant que dans le même temps, je constatais qu’il avait été exclu du musée de la ville. Alors que j’interrogeais le conservateur sur ce limogeage, il me dit avec une certaine véhémence que l’action de Drouet relevait de l’anecdote. Et pourtant Napoléon avait déclaré « Monsieur Drouet vous avez changé la face du monde. » Des deux interprétations des mêmes faits, la municipalité a opté pour la première. L’âge aidant, un peu découragé, je relâchai mes efforts quand soudain



Jean-Luc Mélenchon rallume la flamme.
Sur son blog il publie un long texte pour soutenir l’action des gilets jaunes et de l’un de ses leaders, Eric Drouet. Ce chauffeur routier de 33 ans, père de famille, a été placé en garde à vue le 2 janvier pour manifestation non organisée. « Je ne le connais pas. Je l’écoute, je le lis et je vois en lui une sage et totale détermination. Je le vois tenir à distance les pièges grossiers qui lui sont tendus à intervalles réguliers par les terribles adversaires qu’il affronte les mains nues. Le surgissement des gilets jaunes, leur incroyable aptitude au combat sidèrent ceux qui regardent le peuple de haut ».
On reconnaît là la verve du leader des insoumis, mais il va, dans les lignes qui suivent, faire preuve d’une grande connaissance de la période révolutionnaire en France. « Drouet ? Mais il porte le nom d’un personnage dont Napoléon a dit  »sans vous l’histoire de France aurait été différente". Voilà qui est vrai. Il s’en suit une longue évocation des évènements du 21 juin 1791 et de la carrière de Jean-Baptiste Drouet rédigé dans un style fort brillant.
Même si j’ai du respect pour ce député talentueux, le modeste et unique biographe de Drouet ne pouvait pas ne pas réagir. Mélenchon s’est inspiré me semble-t-il du livre de Roger Vailland et Raymond Manevy : « Un homme du peuple sous la Révolution » récit écrit en 1936, l’année où 380 députés du Front populaire venaient d’entrer au Palais-Bourbon. Le titre est clair : Drouet arrive au secours du Front populaire et pour cela les auteurs infléchissent le discours et les erreurs et approximations vont toutes dans le même sens. On en retrouve dans le texte de Mélenchon.

Les réactions.
Elles sont vives et le plus souvent négatives, laissant ressurgir les propos qui, depuis deux siècles s’efforcent, et parfois avec succès, de rabaisser le personnage. Ainsi il devient un être fourbe qui fait avorter le projet de Louis XVI et certains sont attristés, oubliant qu’en cas de réussite, le roi aurait tenté de reconquérir son pouvoir au prix d’une funeste guerre civile. « Le régicide », ainsi qu’il est parfois nommé, alors qu’il n’est qu’un parmi les 387 députés qui ont voté la mort du roi dont Philippe égalité, le père du futur roi Louis Philippe.

Le tableau qui fait polémique.
Certains commentaires s’appuient sur un tableau, le seul tableau à l’Assemblée nationale montrant un épisode de la Révolution. Le 2 juin 1793 trois montagnards s’en prennent à un girondin, Lanjuinais, monté à la tribune alors que le peuple envahit l’hémicycle. Parmi ces trois députés, Drouet. Que penser de ce tableau ? Son auteur, Muller, est né en 1815 et réalise ce tableau en 1868, 75 ans après les faits. Alors que tous les protagonistes sont décédés, il ne peut s’appuyer sur des témoignages. Qu’importe. C’est un peintre de talent bénéficiant d’une forte reconnaissance institutionnelle. Fidèle soutien de Napoléon III, il se doit de flétrir le souvenir des révolutionnaires. Dans son texte Mélenchon y voit « Drouet un revolver à la main menaçant Lanjuinais ». Naturellement, ce revolver et toute la violence de la scène ont été peintes pour déprécier le mouvement populaire. Et ce tableau n’est d’ailleurs exposé que pour cela aujourd’hui.

Et les médias redécouvrent Drouet.
Dans l’émission très populaire « Les grosses têtes » sur RTL il est demandé : "A qui Napoléon a-t-il accroché sa propre légion d’honneur à Valmy sur la veste du récipiendaire ? Les cerveaux fument un long moment et Pierre Bénichou sait répondre : Drouet. Cet épisode a été parfois traité de légende. Guy Carrieu, directeur général des services du département de la Marne et responsable du souvenir napoléonien ne doute pas de l’authenticité du geste car Napoléon agissait souvent de la sorte.

* Le téléphone sonne chez moi. Au bout du fil un journaliste du journal « Le Parisien-Aujourd’hui en France »
- Bonjour, je m’appelle Charles de St Sauveur.
-C’est un nom de noble et vous vous intéressez à Drouet ?
-Et encore mon nom est plus long. Il faut ajouter « de Turckheim ».
-Comme l’actrice Charlotte ?
-Oui, c’est une lointaine cousine.
Mon interlocuteur souhaite mon aide pour réaliser un article qui doit paraître le dimanche 6 janvier. Je réponds à ses questions et lui transmets le texte de mon livre. Le dimanche suivant j’ai le plaisir de lire son très bon article où il a la correction de me citer.
* Rebelote diraient certains ! Quelques jours plus tard, un autre journaliste arrive à me dénicher : Benoit Montaggioni du « Courrier de Saône et Loire » publié à Mâcon, ville où Drouet a terminé sa vie. Même demande, même réponse favorable.
* Le journaliste local de l’Union ne sera pas en reste. Il souhaite me rencontrer. Je le reçois à mon domicile. Après une riche conversation je lui prête les textes de ma biographie aujourd’hui épuisée. Le lendemain 9 janvier je peux lire un article qui me satisfait : « Drouet, l’Argonne et les gilets jaunes ».

* La consécration, quand notre Jean-Baptiste Drouet bénéficie d’une émission entière sur France-Inter, « La Marche de l’histoire » de Jean Lebrun le 8 janvier. L’invité, l’universitaire Pierre Serna dresse un portrait vivant de notre personnage. Il retrace avec brio sa carrière, même si j’ai noté quelques approximations. J’ai apprécié qu’il cite que l’on me doit le nom du collège de Sainte-Ménehould : « Collège Jean-Baptiste Drouet ».

Voilà Drouet est sorti de l’ombre où certains souhaitaient le cantonner. Il est sur les ondes, dans la presse matinale et régionale.
Le mérite en revient initialement au chef des « Insoumis » et certains diront peut-être qu’il y a un peu de Drouet dans ce Mélenchon là.
François Duboisy

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