Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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La corporation « Boucherie-Charcuterie ».

Aussitôt 1918 : Les abattoirs de Menou.



« Quand un vieux meurt, c’est une bibliothèque qui brûle » dit ce proverbe attribué aux Arabes, mais aussi aux Chinois, aux Russes Comme nous regrettons de ne pas avoir assez fait parler nos anciens ! Heureusement, il nous reste les écrits et parfois nous retrouvons des témoignages du temps passé tout à fait par hasard. C’est le cas de celui que nous vous proposons dans son intégralité tant il nous parait intéressant. Nous remercions Chantal Palin de nous avoir transmis ce document. C’est en rangeant le grenier de la maison de sa mère, Madame Palin, qui tenait la boucherie-charcuterie à Menou, qu’elle a trouvé ce document attribué à la famille Lelorain, eux aussi bouchers rue Chanzy de 1911 à 1973.

Après la tourmente des années 1914 à 1918, dès 1919, le mode de vie, de travail et des transactions pour le commerce du bétail et des viandes n’avait pas encore beaucoup évolué dans notre région d’Argonne.

Les marchands de bestiaux, comme les bouchers et les charcutiers, continuaient, comme avant la Guerre, leurs contacts d’achat et de vente avec les petites et moyennes exploitations de cultivateurs-éleveurs.
Presque tous les bovins étaient vendus à la pièce après accord sur l’estimation, la bascule ne servant que pour les veaux, porcs ou agneaux ; les veaux étaient généralement vendus au maximum à 90 ou 100 kg vifs ; c’était un poids commode pour la découpe et la présentation.
A ce moment-là le boucher ou le marchand de bestiaux jouissait souvent d’une certaine considération. Avec son expérience (c’était souvent un don), dès son entrée dans une étable, il savait, après avoir touché l’animal, son poids et sa qualité de viande.
Si certains marchands avaient une vachère pour charger deux bovins, chaque boucher possédait sa bétaillère pour une bête, attelée à un cheval. (Il avait été possible d’acheter des chevaux canadiens de récupération après la guerre). Ce véhicule, en forme de caisse surbaissée, n’avait le plancher qu’à 30 cm du sol grâce à son essieu incurvé et l’arrière servant de pont permettant l’entrée facile du bovin. Chargé, la vitesse n’était que celle d’un cheval au pas. Un treuil, avec son câble, pouvait servir pour les animaux réticents.
Le chariot à ridelles, tracté également par un cheval, servait au ramassage et au transport des veaux, porcs et moutons. Souvent beaucoup de bêtes de viande étaient amenées par les vendeurs eux-mêmes, attachées à l’arrière d’un tombereau ou même en liberté sur les routes encore non goudronnées.
Pour les porcs, le transport était facilité en coinçant l’animal dans la fameuse « boîte à cochon », cage très pratique en bois ou en tubulure, comme une chaise à porteur. Elle servait aussi pour les pesages. Beaucoup de fermes en possèdent encore aujourd’hui.
Il y avait, à l’époque, beaucoup de bêtes d’élevage pour la viande et le lait dans tous les villages de l’arrondissement et même à Sainte-Ménehould il y avait cinq fermes importantes, l’Argonne étant, en allant vers l’est, le début des bonnes pâtures.
Beaucoup de petites étables avaient cinq-six vaches trayantes et quelques jeunes pour l’avenir. Mais rares étaient ceux qui n’élevaient pas chaque année un veau mâle bien choisi pour faire un taureau. Ces taureaux dits « de pays » (800 kg environ), bien nourris et non surmenés constituaient, à 35 ou 40 mois, des bovins de relative bonne viande non négligeable.
Chaque ferme ayant ses loges à porcs nourrissait deux ou trois cochons pour sa consommation personnelle et aussi la vente. Ces porcs graissaient dans la chaleur des loges construites en bois ; couchés dans la paille, ils digéraient la « Cuierie », soupe consistante avec pommes de terre, grains et eaux grasses.
C’est à cette époque qu’en quittant Sainte-Ménehould vers l’ouest on rencontrait dans chaque village une ou plusieurs troupes de moutons, Mérinos, Disney-Mérinos, Ile-de-France, brebis, béliers et agneaux avec leur berger.

Chaque boucher ou charcutier avait son abattoir ou sa tuerie à porcs derrière sa maison de commerce.
Il y en avait deux à Givry-en-Argonne, une à Passavant-en-Argonne, une à Herpont, une à Ville-sur-Tourbe, une à Vienne-le-Château, une à La Neuville-au-Pont, ainsi que deux aux Islettes, avec aussi, dans cette Meuse si voisine, deux tueries à porcs et plus loin, à Clermont-en-Argonne et Varennes, il y avait aussi un abattoir communal.
Cet environnement, avec l’abattoir communal de Sainte-Ménehould au centre, rendait les transactions faciles et garantissait des viandes non tourmentées par de trop longs parcours du bétail vivant ou en viande. Pour les bêtes accidentées, qui sont l’imprévu de chaque éleveur, ces abattoirs à leur disposition jour et nuit permirent souvent de sauver ce qui pouvait l’être en viande de qualité, après les contrôles vétérinaires.

Dans les premières années de cet après-guerre, il était abattu un bovin tous les deux jours par le boucher de La Neuville-au-Pont ; celui-ci approvisionnait les cantines de récupérateurs qui travaillaient dans la zone rouge toute proche.

A Sainte-Ménehould, l’abattoir municipal dont la construction datait du début du 19èsiècle (d’après un plan de Ste-Ménehould établi en 1836 sous Louis Philippe, l’abattoir était déjà construit) avait un concierge assermenté ; celui-ci était chargé de toutes les surveillances, du pesage des animaux vivants (à la demande) et de toutes les viandes pour la redevance mensuelle.


Les abattoirs avaient été construits en dehors de la ville, sur la route de Moiremont, de l’autre côté du pont sur l’Aisne, nommé Pont des Maures et par déformation Pont des Morts. On y accédait, à partir de la place par la rue des prés et le faubourg des prés qui deviendra rue de la libération. On remarquera sur ce plan de 1836 le moulin des Prés, aujourd’hui les vannes. Sur le plan de la ville dressé en 1980, les abattoirs sont mentionnés n°5 avec les bâtiments publics, mais dans la légende il a été rajouté à côté de « 5 : abattoirs » la mention : « , écrite à la main. »anciens"
Le bâtiment principal était divisé en cinq cases séparées pour l’abattage et d’une tuerie à porcs avec le grilloir à paille ; de l’autre côté d’une vaste cour, étaient les écuries d’attente pour bovins, veaux et moutons, et les stalles à cochons avec mangeoires. Cinq bovins pouvaient donc être abattus simultanément, ainsi qu’autant de veaux, porcs ou agneaux.
Les cases séparées permettaient à chaque professionnel de traiter ses viandes dans les meilleures conditions, en vue d’une conservation à l’air libre des carcasses, jamais mouillées, elles étaient épongées de leur sang avec des torchons propres et secs ; la fente faite au couperet évitait les déchirures (nids à mouches). Ainsi travaillés, les « quartiers » pouvaient attendre le jour de vente sans frigorifique ni glacière.
Il était pris beaucoup de soins à la dépouille, les cuirs étaient bien soignés en évitant trous et coutelures, pesés à la réception par Monsieur Leleu, du café de l’Abattoir. Ces cuirs eurent une certaine valeur après la guerre de 1914-1918.

L’abattoir avait un puits, avec un simple treuil mais la rivière toute proche fournissait l’eau nécessaire. Ce puits servit encore par moments, même de nos jours, lorsque les gelées avaient détérioré les conduites.
Une triperie avait été construite en 1934 où les bouchers traitaient leurs abats eux-mêmes. Il n’y avait plus de tripier depuis 1925.
La grille d’entrée devait être soigneusement fermée avant chaque abattage et, malgré cela, par une chaude journée d’été, plusieurs agneaux s’étaient échappés et un « récalcitrant » ne fut rattrapé par les garçons-bouchers que devant la maison Philbert, rue Chanzy, à la grande joie des passants. Moins heureux fut celui qui, s’étant échappé par la petite porte du jardin un jour d’hiver, plongea dans l’Aisne en crue et périt noyé et perdu (pour le boucher).
Les tueries particulières furent supprimées progressivement au cours des années soixante. La loi du 8 juillet 1968 nota la suppression ou la reconversion de beaucoup d’abattoirs publics municipaux
. A suivre.

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