Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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Quand les loups mangeaient les animaux en Argonne.

Quand on les exterminait avec des méthodes bizarres...

   par John Jussy



Le loup, on en parle à nouveau, surtout dans les montagnes. En 2019, 12 487 bêtes ont été dévorées dans 30 départements dont la Marne ne fait pas partie. Chez nous, donc, pas de problèmes d’animaux tués… Et pourtant, il fut un temps où, en Argonne, le loup était un redoutable animal.

Une gazette de décembre 1771 relate les ravages causés par les loups : 66 moutons dans trois bergeries et même des chevaux. Et le loup s’attaquait aussi aux humains : enfants, paysans, voyageurs ; pas moins de 50 personnes en France. Voilà de quoi donner des frissons. Même les louvetiers veillaient et exterminaient les loups de la faune sans se préoccuper d’équilibre : on utilisait des affûts, des pièges, des louvières (?), et même, pour nous incroyable, des chiens empoisonnés… pauvres chiens. À noter que depuis 1984, la détention et l’utilisation de pièges à loups sont interdites.
La louveterie avait été créée par Charlemagne en 813 avec pour but la destruction systématique des loups. L’appellation louveterie est due à Louis XI. En 1520, François Ier crée la charge de lieutenant de louveterie du roi.
Le dictionnaire Maurice Lagache de 1815 donne les gratifications pour les chasseurs : 18 F pour une louve pleine, 15 F pour une louve non pleine, 12 F pour un loup, 6 F pour un louveteau.
Aujourd’hui, dans la Marne, il y a 15 lieutenants de louveterie dont 2 en Argonne : Stéphane Wotat à Châtrices et Jean-Louis Dardart à Virginy. Ce sont des bénévoles assermentés devant veiller à la régulation des nuisibles et au maintien et à l’équilibre de la faune sauvage.

De Châlons (en Champagne),
le 14 décembre :
Vers la fin de Septembre, des loups exercèrent de grands ravages aux environs de Sainte-Ménehould. En une nuit, ils égorgèrent cinquante moutons appartenant au même propriétaire. Ils forcèrent ensuite la bergerie du Curé de Domarle-sur-Lure, où ils déchirèrent neuf de ces animaux et en enlevèrent quatre autres. Ils pénétrèrent aussi dans deux écuries du même village et dans trois autres de Breau-Saint-Remi, plusieurs bêtes furent dévorées. Une autre troupe de loups mit en pièces, près de la forêt de Sainte-Ménehould, deux bêtes de somme appartenant à un pauvre voiturier qui n’avait que cette ressource pour vivre. Un de ces féroces animaux avoit déjà dévoré treize moutons d’une seule bergerie.

Dans l’espace d’environ dix-huit mois, la Normandie, le Perche, la Saintonge, le Poitou, le Lyonnois, le Dauphiné, la Franche-Comté, la Champagne, la Picardie, etc. ont été le théâtre des ravages de ces animaux carnaciers ; c’est se tenir fort au-dessous de la vérité que de ne porter qu’à cinquante personnes le nombre des enfants, des Paysans, Voyageurs, etc... qu’ils ont dévorés, tués ou blessés, sans parler des ravages inconnus. Il n’est pas possible d’estimer le nombre de chevaux, de gros bestiaux, de moutons qui ont été leur proie.
En onze mois, cent quinze loups ont été tués ou pris à la diligence de M. de Moncel, premier Lieutenant de la grande Louverie, dans la Champagne, les Évêchés et sur la frontière, soit par des battues, soit par des louvières, des affûts, des pièges et des chiens empoisonnés. On peut juger par-là combien cette espèce vorace fourmille dans le Royaume, et combien il est important que tous les moyens soient réunis pour l’exterminer.



La chasse aux loups a été plusieurs fois interdite au cours de l’histoire et toujours rétablie. Au XVe siècle, les louvetiers commettaient quelques indélicatesses. Aussi le roi Charles VI décida d’arrêter la chasse mais, devant la recrudescence des carnages, la louveterie fut rétablie en 1504.
Au XVIIe, des abus commis sur les gratifications accordées pour avoir abattu un loup furent encore commises et le roi Louis XVI, par souci d’économie, dit-on aussi, supprima la louveterie en 1787 ; là encore les attaques augmentèrent et la louveterie fut rétablie 10 ans plus tard en pleine Révolution.
Plus près de nous, c’est en 1979 que la convention de Berne protégeait les loups et indemnisait les dommages commis aux troupeaux. Et le loup réapparut, venant d’Italie, dans le Mercantour. C’était en 1982. Les lieutenants de louveterie allaient de nouveau avoir du travail…
John Jussy.

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