---------Dans le n°4 de notre revue, nous avons publié un article de Jean-Christophe COMBE sur les fouilles menées par le Collège Jean-Baptiste Drouet au lieu dit « La Haie Guérin », près de Verrières. Monsieur JANIN, l’érudit argonnais spécialiste de l’archéologie du verre a collaboré à ces travaux. Il a fait paraître, l’année dernière, un texte dans une publication savante où il livre une hypothèse intéressante en guise de réponse à la question soulevée : quelle était (ou quels étaient) la ou les fonctions de ces puits ?
---------La forêt d’Argonne, prolongement méridional du massif des Ardennes, est d’une extrême richesse archéologique. Si on y connaît bien maintenant de nombreux sites néolithiques, des camps fortifiés et des nécropoles de toutes époques, et plus de soixante-dix verreries, une énigme subsiste, celle des puits et « lignes de puits », en pleine forêt, qui, jusqu’ici, n’avaient jamais été étudiés.
---------L’initiative revient à Monsieur DUBOISY, Principal du collège de Sainte-Ménehould, qui, avec le soutien de Monsieur VILLES, Conservateur régional de l’archéologie, décida d’entreprendre un P.A.E. (Projet d’Action Educative) sur le mieux conservé des vingt-deux puits de La Haie Guérin, à cinq kilomètres au sud de Sainte-Ménehould, près de la vallée de l’Aisne.
---------La fouille commença au printemps 1995 avec les élèves et le personnel du collège. Le puits fut désobstrué jusqu’à vingt mètres de profondeur, avec découverte de nombreuses pièces de bois taillées, peut-être un ancien boisage des parois. J’eus la surprise d’y trouver, vers le fond, quelques fragments de céramiques sigillées et d’imbrex gallo-romaines.
---------La fouille, reprise en juin 1996, révéla, en dessous d’une couche d’argile compacte, et jusqu’à la partie inférieure du puits, trois mètres d’humus avec des fragments d’amphore rouge et une grande quantité de tessons de jattes tronconiques carénées, bien connues dans la région depuis le début du siècle, où l’archéologue CHENET retrouva leur origine près de Sézanne (51) et les baptisa « craquelées-bleutées ». D’un diamètre de trente à trente-cinq centimètres, hautes de vingt à vingt-cinq centimètres, elles ont été tournées au 3ème - 4ème siècle en « terre à feu » très mince (cinq à six millimètres aux parois latérales, un peu plus au fond).
---------Utilisées habituellement pour la cuisine, elles l’ont aussi été par les verriers, avec un renfort grossier d’argile locale, appliquée en couche très mince sur les parois, plus épaisse sur le fond.
---------Plusieurs questions se posent :
---------Quel était l’usage de ces puits ?
L’hypothèse de puits d’extraction de matériaux du sous-sol est très improbable. Jusqu’au fond, la couche géologique traversée est la « gaize » rare grès siliceux, utilisé localement comme matériau de construction (de qualité médiocre) plus facilement accessible dans les carrières voisines à ciel ouvert. Aucune amorce de galerie latérale au fond du puits, qui devait sans doute alimenter les besoins en eau d’une habitation contiguë, ce que nous voyons encore dans les villages voisins, où chaque ancienne maison a son puits. On peut donc penser à un petit village forestier où les maisons étaient alignées de chaque côté d’un chemin creux, encore bien visible. Nous sommes tout près d’un ancien camp romain, Castricia (village actuel des Chatrices) et de la voie romaine Châlons-Verdun. L’orifice de plusieurs puits est entouré d’un petit talus qui pourrait être les restes d’une margelle, mais aussi une protection contre les chutes.
---------Pourquoi des creusets au fonds du puits ?
---------L’usage d’un puits désaffecté comme poubelle pour des creusets brisés ne serait vraisemblable que si une verrerie se trouvait très proche. Un examen attentif du terrain n’en a pas révélé la moindre trace. Il est probable que les creusets usagés, quoique fragiles, ont été utilisés comme seaux pour tirer l’eau du puits.
Pourquoi des creusets usagés, mais intacts, auraient-ils été tirés du four ?
---------En général, les creusets périssent de vieillesse ou d’accident après quelques mois d’usage, et nous retrouvons leurs débris mêlés aux cendres du crassier. Mais de temps à autre, le four devait, après refroidissement, subir des travaux d’entretien ou de réparation. Pour la « réveillée », les creusets usagés, même intacts, étaient remplacés. Ils ont pu être récupérés pour usage domestique, mais leur fragilité ne l’a pas supporté longtemps.