Pèlerinage de guerre de l’abbé Gratieux, aumonier de la 40ème division d’infanterie.
A Vienne le Château, en bas de l’hospice, dans le jardin, s’étend le cimetière qui fut inauguré le 29 janvier 1915, un des grands jours d’Argonne.
Voilà, près du mur, la première tombe, celle de l’adjudant Vigourt ; d’autres braves ne tardèrent pas à le rejoindre : le capitaine Drumm, le capitaine Bonneau, des sous-officiers, des soldats. On voudrait s’arrêter à toutes les croix, relever tous les noms. Il y a des coloniaux, en grande partie Bretons. Il y a des sapeurs du génie : voici un petit pionnier, Courhaye : son audace presque légendaire, lui a valu la médaille militaire. Il fut tué quelques jours après.
Voici le soldat Vatez, pieusement enseveli par les mains de son frère : frappé d’une balle au front, il s’était endormi dans la paix suprême, si calme et si brave ! Voici les couronnes déposées sur la tombe du capitaine Marquin et du lieutenant Deforterie. Voici le lieutenant Robut : son père, arrivé trop tard pour recevoir son dernier soupir a ouvert la fosse à peine refermée. Le pauvre père déposa un suprême baiser sur le front de son enfant et put le coucher dans un cercueil.
Il y a des tombes anonymes, avec la seule inscription : « soldat français inconnu ».
Je retrouve avec émotion la modeste tombe de leur infirmier-aumônier, l’abbé Albert Malcorout ; il était charmant et populaire, pour sa bravoure, son entrain, sa complaisance, sa bonhomie souriante et expansive ; il fut tué par un éclat d’obus, en faisant ici-même un enterrement et tomba dans la fosse qu’il était en train de bénir.
On peut suivre, par les inscriptions, toutes les phases de la lutte : chacune des affaires d’Argonne s’y répercute avec une éloquence tragique.
