---------- C’est cela ! exclama l’électro-aéronaute.
---------- Ah ! Brimbuchet ! laisse-moi t’embrasser ! Eh bien ! non, je ne t’embrasserai pas, tu es un trop grand homme ! Attends, je vais t’offir un présent digne de toi.
Et Nadar se mit à chercher dans tous les coins, derrière les bahuts, dans les armoires, en criant à tue-tête :
---------- Il faut que Brimbuchet en ait ! son vaste front est digne d’en porter !
Brimbuchet, inquiet, le suivait d’un regard anxieux. Tout d’un coup, Nadar bondit sur l’huissier comme un grand lion fauve sur sa proie et, lui enfonçant violemment sur sa tête une couronne de distribution de prix en papier, il s’écria :
---------- Je te sacre grand homme ! à toi ces lauriers ! Eux aussi préservent de la foudre !
---------La joie fit trébucher Brimbuchet. Il fit, en chancelant, quelques pas vers une glace de Venise gigantesque et pâle, haletant, contempla avec un juste orgueil la couronne césarienne qui cerclait sa tête. Les mèches incultes de ses cheveux roux grisonnants lui parurent être le cercle d’or d’un diadème. Sa raison s’égarant complètement, il s’écria :
---------- Oui, tu as raison, à moi la gloire. Oh ! Nadar, O Sainte Menehould ! O France !
---------- Espérance ! rima Nadar.
---------- Oui ! des lauriers.
---------- Guerriers ! rerima Nadar.
---------- Les guerriers ! oui, nos guerriers ! nos braves, je les vois d’ici ! Plus de guerres possibles ! le monde est à nous !
---------- Le fait est, dit Nadar, que je ne vois pas pourquoi nous n’en prendrions pas possession. Allons ! le monde est à nous. Mais les canons ? Comment feras-tu pour les canons ?
---------- Ils s’enlèveront bien seuls, parbleu, par la seul force d’attraction des deux électricités !
---------- Bravo ! et je parie que tu te sers de la foudre pour allumer les mèches. Artillerie de tonnerre ! Tonnerre d’artillerie ! Jupiter-Brimbuchet-petit, tu es tout simplement tonnitruant !
---------- Nos armées franchissent l’espace à la baïonnette !
---------- A la baïonnette ! fit Nadar, et il montra à l’huisser un second dessin.
---------- Oui ! Oui ? oh ! je serai donc décoré !
---------- Hein ? qu’as-tu dit ? Tu seras décoré ! Mais oui, tu le seras ! oh ! oui, va ! Mais, seulement, puisque tu seras décoré, une observation, cher Brimbuchet-Petit, une seule, une minuscule ! Les nuages attirent les casques et les casques entraînent les hommes qui sont dessous, c’est bien, fort bien, je n’en doute pas. Mais quand il fera beau ? Il n’y aura pas de nuages ! Ta machine ne servira donc qu’en temps d’orage ?
---------- Parbleu ! exclama l’huissier, parbleu, c’est là sa supériorité sur tous les autres systèmes qui ne marchent que par beau temps !
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