Son dossier m’a été confié par son épouse, Andrée Frêne, qui cultive avec une rare fidélité le souvenir de son mari, Paul. En compulsant ces documents, il m’a semblé utile aux ménéhildiens qui l’ont connu, à ceux qui ont travaillé avec lui, de retracer son périple qui l’a amené à Ste Menehould pour y réaliser son plus long parcours professionnel.
Sa trajectoire militaire est celle de ceux de la génération arrivée à l’âge du service militaire quelques années avant le deuxième conflit mondial et pour lesquels une période brêve les a ramenés rapidement dans les armées à peine rentrés de leurs obligations militaires.
Paul Frêne est originaire de Lorquin, en Moselle, non loin de Sarrebourg. Il est lorrain, avec toutes les servitudes qui ont frappé les jeunes gens de ces régions pendant le conflit de 39-45. Il a travaillé dans une imprimerie à Nancy comme graveur-lithographe et a rejoint le service légal le 15 octobre 1936 au 28ième Régiment d’artillerie divisionnaire à Chaumont (Haute Marne). Il a servi comme canonnier-chauffeur.
Le 1° septembre 1939, il a rejoint le 59ième régiment d’artillerie à Sarrebourg, affecté au 3ième groupe, 7ième batterie, stationnée à Niederbetschdorf (Bas-Rhin) et à Oberroerdern.
Il a été fait prisonnier le 26 juin 1940, interné au camp de Colmar, et non-immatriculé.
Sa qualité d’alsacien-lorrain lui a valu une libération le 5 juillet 1940. A cette date , il a passé la frontière, l’ancienne, à Avricourt en Moselle, dans la nuit du 7 au 8 juillet pour se soustraire aux obligations d’incorporation forcée dans les armées de l’occupant.
Il se retrouve à Sainte Menehould, embauché localement. Il appartiendra alors aux Forces Françaises de l’Intérieur dans lesquelles il participera aux actions diverses. Sa carte d’identité FFI porte le numéro 1443.
Curieusement, on trouve dans son dossier trois « ordres de réquisition » conservés, un manuscrit et deux autres tapés à la machine, datés respectivement du 20 mars 1943, un autre du 14 aout 1944, un troisième du 27 aout 1944. Il a été « requis » pour le premier « à travailler à la sucrerie pour le compte de l’autorité allemande ». Le deuxième l’invite en gare de Sainte Ménehould pour travailler à la réparation des voies ferrées, réquisition assortie d’une « responsabilité vis-à-vis des autorités allemandes ». Le troisième le convoque sur la place Philippe Pétain pour travailler sur les chantiers de l’organisation Todt. Cette dernière réquisition est assortie cette fois d’une menace non voilée :
« Votre absence serait considérée comme acte de sabotage et vous serez responsable vis-à vis de l’organisation Todt ».
Revenu à la vie civile, il se mariera le 27 décembre 1945 avec une ménéhildienne, Andrée Boudaille, sera embauché à la Pharmacie générale du Service de santé des Armées au Quartier Valmy en 1952, établissement qu’il suivra à Vitry-Marolles en 1968 juqu’en 1976, année de sa retraite.
Je l’ai côtoyé et apprécié. Son éternelle bonne humeur, sa discrétion et son sérieux professionnel en ont fait un modèle d’application et de pondération, lui valant l’estime générale de son entourage comme de celle de ses employeurs.
L’examen des papiers officiels de son dossier fait revivre un homme hors du commun, ramène un visage et un sourire que tous ceux qui l’ont ont connu ont eu une très grosse peine à voir s’éteindre, le 4 mars 1990.