Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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Le drame d’une famille argonnaise.

   par Michel Halbin



Août 1944-Mai 1945 : L’attente dans l’angoisse.
Début août, le pont enjambant la rivière Aire a été mitraillé. Monique et moi avons échappé de peu aux balles perdues qui ont touché notre maison où nous jouions. Une bataille aérienne s’est déroulée au-dessus des villages de Clermont et Auzéville. Nous avons quitté la maison et nous nous sommes cachés dans une crevasse à l’abri des arbres. Ce même mois d’août, notre maman a reçu un courrier daté du 15 août, en provenance d’Ecrouves. Nous n’aurons plus de nouvelles de notre papa jusqu’à l’annonce de son décès.
Durant cette période difficile, les travaux agricoles sont assurés par notre oncle Théophile, agriculteur à Auzéville. Il est aidé par l’ouvrier agricole que mes parents avaient embauché. Roger et Janine vont à l’école à Auzéville. Ils partent le matin et rentrent après les cours de l’après-midi, ils sont hébergés le midi par nos grands parents paternels. Maman et Geneviève assurent la traite des vaches et l’organisation de la maison.
Bien qu’ayant 6 ans, je n’allais pas à l’école. Je devais subir une intervention chirurgicale de la hanche gauche. Ce sera pour plus tard. Le souci immédiat pour notre maman est l’avenir. Nos parents avaient signé un protocole d’achat d’une ferme située à Vraincourt, en bordure de la RN3. Que faire ? Sur les conseils de notre oncle, notre mère décide de ne pas attendre, le déménagement a lieu début 1945.
Roger a 14 ans, il quitte l’école et participe aux travaux.

Le drame : le 20 mai 1945, j’avais alors 6 ans ½, j’ai entendu maman, mon frère et mes deux grandes sœurs se lamenter. Je me suis caché, j’étais trop jeune pour participer. Plus tard, j’ai compris que je ne reverrai plus notre Papa. Notre père est décédé le 22 avril 1945, dans le camp d’Allach, dépendant de Dachau. Il aurait eu 40 ans le 20 mai. Ce camp fût libéré deux jours après son décès.
Après l’annonce du décès, l’ambiance familiale a totalement changé. A quoi bon se lamenter. Et surtout, on évite de parler de ces évènements devant les enfants les plus jeunes. Dans notre entourage, les familles touchées par ce drame ont agi dans ce sens. Le travail, souvent acharné, était une voie salutaire. Comme il restait peu de temps à consacrer aux plus jeunes, nous avons appris à nous débrouiller.
Et comme si tout cela ne suffisait pas, notre maman dut à nouveau prendre une décision très lourde de conséquences pour l’avenir. Le projet d’achat de la ferme, si cher à nos parents, paraît au-dessus de ses forces. Elle décide de l’abandonner et loue une ferme pour trois ans, toujours à Vraincourt.

Nous déménageons à nouveau en septembre 1946. Faute de moyens mécanisés, le besoin en main d’œuvre est important. Début 1947, notre maman embauche un jeune ouvrier récemment démobilisé, Vincent Reichert, ancien résistant qui avait dû s’engager en Indochine pour fuir la gestapo. Jeanine quitte l’école à 14 ans et se joint à Geneviève pour divers travaux et notamment la traite des vaches (la machine à traire sera pour plus tard).
Malgré mon handicap, je fréquente l’école primaire de Clermont. Aller-retour journalier, à pied, avec Monique. Le repas de midi est pris sur place, chez des amis de notre famille. Boitant de plus en plus, je subis une intervention chirurgicale en octobre 1947 à l’hôpital de Nancy. Opération réussie mais trop tardive. Je boiterai toujours.
Vincent, très compétent et courageux, avait reçu l’aval de notre maman pour diriger les travaux agricoles. Mais après trois ans sans autorité paternelle, nous avons mal accepté, notamment Roger et Jeanine, le remplacement de notre père par un étranger.
Tout finit par s’arranger puisqu’en juin 1948, Vincent épouse Geneviève. Au mois de mars 1949, la naissance d’un neveu sera pour tous le début d’une période plus gaie.
La fin du bail arrive en septembre 1949. La ferme, reprise par les propriétaires doit être laissée libre.

C’est à Argers, près de Sainte-Ménehould qu’une ferme est louée pour 9 ans. Souvenir d’un déménagement par la route nationale, à pied, tombereaux et charrettes transportant tous nos biens grâce aux chevaux. Troupeau de vaches encadré de marcheurs munis d’un bâton.

Le changement :
Le logement n’est pas prévu pour abriter autant de personnes et l’eau courante n’existe pas encore dans ce village, nous ferons des aménagements. L’adaptation est rapide et nous sommes très bien accueillis. Il y a une école primaire dans le village et beaucoup de jeunes de tous âges, Roger et Jeanine, tout comme Monique et moi-même, avons tout de suite adopté avec beaucoup de plaisir toutes ces nouvelles connaissances.
Et puis quel changement d’ambiance ! Sans oublier le drame subi, on se rend compte involontairement que c’est le début d’une période bien plus réjouissante.
Geneviève et Vincent, dont la famille s’agrandit, envisagent de continuer l’agriculture et commencent à s’équiper en nouveaux matériels. Roger, sans autre formation continue également dans ce milieu. Jeanine et Geneviève (qui doit également élever ses enfants) sont à la traite des vaches et à la laiterie pour la fabrication de crème fraîche, beurre et fromages blancs.
En 1950, je suis envoyé en internat au grand lycée de Châlons-sur-Marne. Ce changement ne me perturbe pas, bien que je ne retrouve le foyer familial qu’aux vacances principales, Noël, Pâques et grandes vacances. Ces six années restent parmi les meilleurs moments de ma jeunesse.
En 1952, Jeanine épouse Robert, ouvrier agricole à Argers, ils trouvent un emploi à Reims. Monique prend le relais pour la traite des vaches et, dès 14 ans, elle participe aux travaux des champs.

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