Le Maire de Moiremont qui est par ailleurs Président de notre association, aime les belles choses. Aussi, quelle ne fut pas sa stupéfaction et son émotion en découvrant, au début de son premier mandat, dans quelque racoin du grenier de la Mairie, deux toiles anciennes provenant du patrimoine de l’ancienne Abbaye de Moiremont. L’une représente la vierge Marie en Majesté et l’autre l’Annonciation.
L’annonciation :
Pour ceux qui n’ont pas fréquenté le catéchisme, voici comment ce mystère est présenté dans la religion catholique, en s’appuyant sur les évangiles, plus exactement ceux de Matthieu et Luc, Marc et Jean n’en parlant pas.
Il y a donc 2010 ans de cela, Marie, jeune femme vierge, était fiancée à un charpentier, Joseph, bien plus âgé qu’elle. « Marie se trouva enceinte par la vertu du Saint-Esprit alors qu’ils n’habitaient pas ensemble. Joseph se proposa de rompre secrètement avec elle. C’est alors qu’un ange du ciel lui apparut » (Matthieu). La version de Luc est fort différente car l’ange apparait à Marie et non à Joseph. « L’ange Gabriel fut envoyé par Dieuauprès d’une vierge fiancée. L’ange entra chez elle et dit : »Je te salue, tu deviendras enceinte et tu enfanteras le fils du Très Haut« . Marie dit : »Comment se fait-il, car je ne connais point d’homme« . L’ange lui répondit : »Le Saint Esprit viendra sur toi, et la puissance du très haut te couvrira de son ombre."
L’Eglise retint cette version pour créer « l’Annonciation », un des fondements de la religion catholique. Son caractère mystérieux mêlant une vierge, un ange, à la naissance du Christ fut source inépuisable pour les peintres et les sculpteurs. Avec le développement du culte marial, les œuvres qu’elle inspire sont innombrables, dont notamment les statues de la face occidentale de la cathédrale de Reims.
L’Annonciation de Moiremont :
Ce joli tableau est en fait une copie d’une grande toile de Cossart qui se trouve à Troyes et qui sera elle aussi prochainement restaurée.
Il est probable qu’un élève de Cossart a réalisé cette copie à la demande de l’abbé de Moiremont et sa taille plus modeste respecte la distance entre le maître et l’élève. Il n’en reste pas moins que cette toile de 148 cm sur 112 est d’une excellente facture. Réalisée à la fin du XVIIème siècle, elle est donc anonyme, les élèves ne signant pas une copie. Cette huile sur toile, inscrite le 21/11/1980 à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques, est fort jolie.
Bien sûr, le sujet ne prête pas à l’originalité, mais il est traité avec élégance. Les personnages s’ordonnent autour d’une ligne oblique, mais ils n’ont rien de statique. La gestuelle de l’ange, la légèreté des tissus, donnent à la scène une animation étonnante. On remarque que le bleu et le rouge sont les couleurs dominantes. Le rouge évoque le Saint Esprit, le bleu, Dieu le père et rappelle le symbole de l’eau, source de vie qui consacre la vie du baptisé.
Marie est souvent représentée un livre à la main. Ici, elle se penche sur un parchemin. Ses mains croisées sur sa poitrine sont signe de virginité et de soumission. L’ange Gabriel est en fait le personnage principal, tout en majesté, agenouillé sur un nuage qui aurait pu être traité avec plus de légèreté. Il tient un lys, symbole aussi de pureté. La colombe auréolée de lumière descend vers Marie et symbolise l’esprit saint. C’est là une composition soignée.
La restauration de la toile :
Lorsque la toile sort de l’oubli, on constate qu’elle est en fort mauvais état qu’une précédente réparation n’a pas amélioré.
Les tasseaux du châssis sont fragilisés par les insectes et les champignons liés à l’humidité de l’église. La toile est détendue et oxydée par les semences qui la fixent. Des déchirures sont perceptibles. La perte de tension a amené des soulèvements et boursouflures. La couche picturale est gravement endommagée, terne et recouverte d’un voile blanc.
La commune décide de restaurer cette toile et confie cette tâche à Christian Vibert de Reims, un maître en la matière. Nous vous faisons grâce des détails du travail réalisé qui a mobilisé les techniques les plus élaborées. Le châssis est remplacé, la toile est nettoyée grâce à des solvants, doublée et les retouches nécessaires sont faites avec soin.
Un tel travail d’orfèvre a un coût : 3650 TTC. Mais le coût pour la commune est bien moindre. Le ministère de la culture a subventionné l’opération à 25%, le Conseil général à 19,6% et la commune a récupéré la TVA. Il lui en coûtera 1800 . Voilà une opération bien menée qui devrait servir d’exemple.
Je terminerai par des propos qui vont faire sourciller Patrick Desingly, Maire de Moiremont. Le tableau a retrouvé sa place dans l’église où il va devoir résister aux attaques qu’engendre l’accrochage dans un lieu humide, non chauffé. Il serait souhaitable que cette toile trouve sa place dans le Musée de Sainte-Ménehould. Mais c’est là une toute autre histoire.