Une toute petite place dans ce numéro pour un charmant poème retrouvé il y a certainement bien longtemps sous un amas de « vieilles vieilleries », dans une malle au fond du grenier. Et de qui ce poème ? De Jeanne Procureur, dont vous avez lu les souvenirs d’enfance dans le livre « Deux instituteurs à Verrières en 1900 », réédité par notre association. Les illustrations sont de son fils Hugues.
Pourquoi cette expression « des vieilles vieilleries » est-elle venue spontanément sous ma plume ? En faisant appel à mes souvenirs, je l’ai retrouvée dans le poème d’Arthur Rimbaud : « Ebuffet du vieux temps ». Ce poète est né pas si loin de chez nous, dans les Ardennes qui sont toutes proches et je ne résiste pas au plaisir de vous faire lire ou relire cette très belle poésie.
Le buffet
C’est un large buffet sculpté ; le chêne sombre,
Très vieux, a pris cet air si bon des vieilles gens.
Ce buffet est ouvert et verse dans son ombre,
Comme un flot de vin vieux, des parfums engageants.
Tout plein, c’est un fouillis de vieilles vieilleries,
De linges odorants et jaunes, de chiffons
De femmes et d’enfants, de dentelles flétries,
De fichus de grand-mère où sont peints des griffons.
C’est là qu’on trouverait les médaillons, les mèches
De cheveux blancs ou blonds, les portraits, les fleurs sèches
Dont le parfum se mêle à des parfums de fruits.
E buffet du vieux temps, tu sais bien des histoires !
Et tu voudrais conter les contes, et tu bruis
Quand s’ouvrent lentement tes grandes portes noires.
Arthur Rimbaud.