Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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Un conte argonnais pour Noël : Claude et le loup.

   par Nicole Gérardot



Cependant Noël approchait, halte appréciée au milieu du dur travail de l’hiver. On allait pendant deux jours regagner le village, retrouver la tiédeur oubliée des maisons, la chaude ambiance de la famille et des amis, changer le menu de lard et de pommes de terre, redevenir un peu le petit enfant qui met son sabot dans la cheminée. Claude avait décidé de quitter son travail la veille de Noël après le repas de midi, afin d’arriver à Courupt avant la tombée de la nuit. Catherine voulait faire un brin de toilette avant la veillée et Claude en avait besoin aussi avec sa barbe de deux mois. Les voilà donc sur la route du retour. Cinq petits kilomètres, mais en sabots dans la neige fraîche, par les sentiers à peine frayés, ce n’est pas rien.

Ils n’étaient pas à mi-chemin que Catherine, qui s’était machinalement retournée, poussa un cri d’effroi : « Claude ! Regarde là-bas ! Le loup ! »

C’était lui. Loin sur le chemin, mais bien visible dans la neige. Avec son pas allongé et souple, il serait bientôt là. Inutile de fuir, ils ne feraient que retarder son arrivée de quelques minutes. Il fallait trouver un moyen de défense. La hache ! Elle était restée à la hutte. Un gourdin ? Pas le temps d’en couper un avec un couteau. Grimper à un arbre ? Ils traversaient à ce moment une magnifique futaie de hêtres dont les troncs étaient lisses jusqu’à huit ou dix mètres.

Ah ! Si, là-bas, un chênot avec une fourche à deux mètres du sol. Vite, la courte échelle à Catherine qui lui tend la main pour l’aider à se hisser. Il était temps ! Le loup est là, sur leurs talons, horrible à voir avec ses brûlures mal cicatrisées. Tout de suite, il est au pied de l’arbre sur ses pattes de derrière. La gueule ouverte. Il bondit, ses mâchoires claquent dans le vide au ras des pieds de Claude qui n’en mène pas large. Impossible de monter plus haut, la branche supérieure où se cramponne Catherine, vacille dangereusement.

C’est maintenant la guerre d’usure. Qui se fatiguera le premier ? Le loup a tout son temps. Nos deux héros commencent à trembler sur leur perchoir. Leurs sabots sont restés à terre, leurs mains et leurs pieds ne sentent plus l’appui des branches. Catherine pleure silencieusement. Les minutes passent longues comme des heures et les heures longues comme des jours. Ils ont bien essayé d’appeler, mais qui peut les entendre ?

La nuit commence à tomber. Claude à l’aide de sa ceinture a attaché Catherine au tronc. Elle, au moins, s’en tirera. Lui sent ses forces l’abandonner. Deux fois déjà son pied a dérapé sur l’écorce gelée. Le loup s’est un peu reculé, comme pour jouir du spectacle. Il tient sa vengeance. De temps en temps, un sourd grondement sort de sa gorge, mais il ne saute plus : il a deviné qu’il n’a plus qu’à attendre. Claude est épuisé, ses mains glissent, ses doigts gourds ne peuvent plus serrer la branche. C’est fini, le voilà à terre face au fauve qui s’est dressé, prêt à lui bondir à la gorge.

Alors une idée insensée lui traverse l’esprit : sa dernière chance. IL hurle : « Catherine ! Le chaudron ! Jette ! » Dans le cerveau primitif du loup, qui a gardé la mémoire de l’horrible brûlure, c’est la panique. Avec un cri perçant, il fait volte-face et s’enfuit de toute la vitesse de ses pattes. On ne l’a jamais revu.

C’est tout tremblants que Claude et Catherine arrivèrent à Courupt où il fallut plusieurs tasses de vin chaud pour les réchauffer et avec quelle joie ils chantèrent ce soir-là le Noël de Moiremont.

Je connais deux versions de ce conte argonnais de Claude, Catherine et le loup, mais je préfère cette version, surtout à l’approche de Noël.


Une hutte de charbonnier




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