Continuons la présentation des demeures d’exception de notre pays d’Argonne. Après le château de Vaux, la maison Mettetal, les maisons Florion évoqués dans de précédents numéros de la revue, découvrons aujourd’hui le château de Villers-en-Argonne, dont le propriétaire, Johannes Landman, ancien ambassadeur des Pays-Bas, a bien voulu nous ouvrir les portes.
Un modeste château qui résiste au temps :
Discrètement, le château se niche dans les frondaisons qui couvrent la butte surplombant l’entrée du village. Une petite route mène à l’entrée gardée par deux sangliers, en pierre, d’où l’on découvre à la fois le château et un bien agréable parc. La bâtisse est marquée par de nombreux remaniements qui lui ont ôté un caractère architectural authentique.
Le corps principal, avec son joli portail renaissance, date probablement du 16ème siècle. Il se trouve sur une butte et sa cave montre qu’il fut en partie édifié sur une construction plus ancienne. A la Révolution, il était décrit comme « un bâtiment consistant en corps de logis et basse-cour appelé château », château bien modeste estimé à 4 000 livres alors que le château voisin, situé à Ante, est estimé lui à 59 000 livres. De 1853 à 1856, sous Napoléon III, les propriétaires bénéficièrent d’une compensation financière suite aux dégâts occasionnés par la Révolution. Ils construisirent une nouvelle partie, appelée le « Nouveau Pavillon », accolée au château. C’est alors que la maison prit le caractère d’une construction du 18ème siècle. Durant la seconde guerre mondiale, village et château furent lourdement endommagés. Les dommages de guerre permirent une restauration pas très soignée, que les nouveaux propriétaires s’empressèrent de corriger.
Et l’on reparle des De Chamisso :
Quatre familles furent seigneurs de Villers avant la Révolution ; les Godet, les Beauvau, les Cabaret et les De Chamisso. Villers est entré dans la famille De Chamisso en 1726 par le mariage d’une demoiselle Cabaret avec Louis Charles de Chamisso. Ainsi se constituait la troisième branche de la famille, la plus modeste qui s’installe à Villers en 1755. Modeste quant à la valeur du château comme nous l’avons vu, mais aussi quant au nombre de domestiques : un seul alors que le château de Boncourt à Ante en compte sept. Ce château de Ante appartenait à une branche De Chamisso qui connaîtra la célébrité, due au jeune Adelbert né en 1781. Il devint en Allemagne un écrivain célèbre. Son frère aîné, Charles Louis, né lui aussi au château de Boncourt en 1874 fut un sous préfet de Sainte-Ménehould qui s’acharna, en vain, à capturer Jean-Baptiste Drouet lors de la Restauration. Ces deux branches se côtoyaient et Adelbert eut pour marraine une dame De Chamisso de Villers. La Révolution venue tout ce beau monde émigra et se retrouva dans l’armée des émigrés qui vint jusqu’à Valmy combattre l’armée française. Marc Antoine, le seigneur de l’époque qui avait succédé à son père eut la bonne idée de mourir 17 jours après la bataille de Valmy. Bonne idée car son épouse, restée en France, devint propriétaire et le château ne fut pas vendu comme bien national. C’est le sort qui fut réservé au château de Boncourt, vendu puis rasé. Un fils, de retour d’immigration, reprit le château et fut élu maire de Villers en 1808. Resté dans la famille jusqu’en 1904, il perdit un peu de son éclat quelques années plus tard lorsqu’il devint maison de vacances des nouveaux propriétaires.
La seconde naissance du château :
On la doit au propriétaire actuel, diplomate natif de La Haye et profondément francophile. Avec son épouse française et ses enfants, il a su rendre au château son lustre d’antan. Son intérêt pour la famille De Chamisso dont il s’efforce de retracer l’histoire, consolida son attachement au château et à son histoire. Propriétaire depuis 1994 et résidant définitif depuis 2009, le couple va progressivement enrichir
la décoration intérieure et aussi porter son intérêt sur le parc, parmi les plus beaux de la région, qui a eu l’honneur de recevoir un concert de l’itinéraire musical départemental. Un des éléments le plus intéressant est le pigeonnier restant du privilège, aboli par la Révolution, qui permettait aux oiseaux du « maître » de se nourrir au détriment des paysans. Original parce que construit en bois, élégant car surélevé certainement pour se protéger des nuisibles, il comporte 400 cases dont certaines accueillent aujourd’hui des chouettes chevêches.
La seconde guerre mondiale et la tempête de 1999 ont éreinté le parc mais les plus vieux arbres ont survécu. Ainsi l’on peut admirer deux incroyables hêtres tortillards qui peuvent rendre malades de jalousie les maigrelets faux de Verzy, un charme, un hêtre et un marronnier, trois arbres remarquables par leur âge et leur taille.
Pour qui a le privilège d’être accueilli par les propriétaires ressent leur passion pour ce lieu, passion qu’ils aiment faire partager, et aussi, de la reconnaissance pour leur action au service du patrimoine local.
François Duboisy.
Sources : - Le château de Villers et son parc, J. Landman, notes rédigées à l’attention des visiteurs.
- Le site web : Château de Villers-en-Argonne.
- Demeure d’exception, Stéphanie Verger, L’Union du 30/07/2012.
Photos : J. Landman.