Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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« Enfin le voici ! »

Ou la préparation de l’inauguration du monument aux morts

   par John Jussy



L’appareil de levage se nomme une chèvre
C’est l’entreprise Dubois qui assurait l’opération.


Il était attendu, le Poilu du monument aux morts, et l’inauguration prévue le 4 juin avait dû être reportée, la statue conçue par Michel de Tarnowski (voir la revue n°65) n’étant pas terminée. Cette désagréable situation amenait d’ailleurs de fortes discussions au sein du conseil municipal. Le journal de la Marne faisait le compte-rendu d’une séance où les conseillers étaient bien déterminés.

"Monument. “ M. Assier soulève la question du monument et demande quand celui-ci sera prêt à être inauguré. Il craint que le statuaire ne se moque de nous, dit-il, et si le 26 courant, nous n’avons pas de nouvelles, je vous demande que sommation relative lui soit faite.
Il est, en effet, vraiment surprenant que ce monument qui a été commencé ne soit pas encore achevé et on ne saurait tolérer plus longtemps cette façon de procéder qui, par chaque jour de retard, nuit considérablement à son inauguration, déjà une première fois manquée. Aussi le conseil est-il d’avis que cette question soit réglée d’urgence."


Outre les changements dans le programme de la cérémonie, on craignait de froisser les familles dont on devait honorer la mémoire d’un mari, d’un fils, d’un parent.
« Si la date et le programme subissent des changements, le Comité peut assurer les familles en deuil que les sentiments de la population n’ont pas changé et que la même ferveur l’anime. »

Mais ce retard avait cependant un avantage : les invités qui s’étaient déclarés indisponibles pour le 4 juin pourraient venir le 23 juillet
« De nombreux invités se joindront à nous pour la glorification de nos Morts et certains d’entre eux, que des engagements antérieurs retenaient le 4 juin, nous apporteront leur concours à la nouvelle date qui sera fixée dans quelques jours. »

L’érection du monument était organisée par un comité dont le rôle, outre la fabrication du Poilu, était le financement. Déjà la ville avait accordé une subvention de 20 000F et de nombreux dons affluaient, qu’ils soient importants ou modestes, anonymes ou nominatifs.
Subvention de la société amicale de la Marne à Paris : 200 F.
Deux frères en souvenir de leur mère regrettée : 5 F.
M. Bernard Camors, directeur du Skating, produit de la soirée du 14 juin(?) : 500 F.
Madame Vainqueur de Vienne-le-Château, mère d’un soldat de ce nom mort pour la France : 50 F.

Mais il y avait aussi les quêteurs et un appel était lancé aux Ménéhildiens.
« Non seulement les familles de la ville, mais leurs membres éloignés, ceux qui gardent pieusement le souvenir de la petite cité où s’est écoulée leur jeunesse, ont voulu contribuer à l’œuvre de reconnaissance que nous avons entreprise. Sollicités par le Comité, ces amis éloignés ont répondu à notre appel, parfois très généreusement. Ils nous ont aidés à acquitter notre dette envers ceux qui nous défendirent ; Toutefois l’encaisse du Comité ne peut encore suffire aux dépenses prévues. »

Cette quête continuera d’ailleurs pendant l’inauguration du monument :
"Les habitants de Sainte-Ménehould ne laisseront pas à d’autres l’honneur et le devoir de parachever l’œuvre commencée. Pour diverses causes, certains d’entre eux n’ont pu être sollicités par les quêteurs ; beaucoup d’autres sont devenus nos concitoyens, nos familiers, nos amis même, depuis 2 ans ; et enfin des premiers donateurs nous ont dit : S’il est nécessaire, revenez nous voir !
Huit dévoués quêteurs se sont partagés la tâche et recueilleront prochainement les offrandes, petites ou grandes.
Cette tâche sera facilitée par l’accueil qu’ils recevront, accueil dicté par la pensée qui, jusqu’alors, a guidé nos efforts."

Mais il s’agissait aussi et surtout de rendre hommage aux 133 victimes de la guerre dont les parents, les femmes, les enfants, seraient présents le jour de l’inauguration. Le journaliste de l’époque, qui signait JM, lançait un appel émouvant dans le journal du samedi, veille de l’inauguration. Outre la participation « d’éminentes personnalités », dont la présence rehaussait la cérémonie, c’est à la foule que le journaliste lançait un appel.

« C’est demain dimanche qu’aura lieu, suivant le programme que nous avons publié, l’inauguration du monument érigé, place de l’Hôtel-de-Ville, à la mémoire de nos enfants morts pour la France. »
"Cette cérémonie funèbre sera non seulement imposante, par son caractère mais rehaussée aussi par la présence des éminentes personnalités civiles, militaires et religieuses qui doivent y prendre part pour rendre hommage à nos morts et témoigner à leurs familles la part qu’elles prennent à leur deuil.
Et elles seront là ces familles dont, pour quelques-unes hélas ! le nom sera prononcé plus d’une fois à l’appel des braves « Morts au Champ d’Honneur ».
La foule y sera aussi. Elle viendra d’un peu partout, pour prendre part à la peine de ces familles et prier pour ceux qu’elles pleurent !
Leur deuil ! mais c’est le nôtre. C’est celui de la Ville qui, demain, va en donner un souvenir durable et c’est aussi celui de la France entière.
Et c’est pour en témoigner qu’à la fin de cette cérémonie, les autorités, les sociétés et la foule se rendront en cortège au cimetière militaire pour saluer la mémoire de ceux qui y reposent et dont beaucoup n’ont plus de famille.
Demain, nous pavoiserons. Aujourd’hui et demain de préférence, tous ceux qui disposent de fleurs iront, nous en sommes persuadés, parer les tombes de ce cimetière.
Et ce sera, pour ceux qui le feront, un acte de haute portée morale tout à leur honneur. Honorons nos morts ! Pensons que ceux qui pieusement sont morts pour la Patrie, ont droit qu’à leur cercueil la foule vienne et prie !"


« Enfin le voici » titrait le journaliste :
« Le »Poilu" en bronze qui doit surmonter le monument érigé, place de l’Hôtel de Ville et dont l’inauguration est fixée au Dimanche 23 juillet, est arrivé.
M. de Tarnowski, le sculpteur de cette œuvre est arrivé de Paris pour sa mise en place. Celle-ci à été faite par MM. Dubois père et fils, les entrepreneurs de charpente bien connus, demeurant en notre ville.
En conséquence, Honneur au « Poilu » qui va symboliser tant d’héroïsme et de sacrifice.
Et surtout que ceux qui le peuvent donnent avec empressement aux quêteurs qui, en ce moment, font leur dernière journée.


Et le poilu de Michel de Tarnowski, enfin placé sur son socle (le lundi) fut recouvert d’un voile en attendant l’inauguration.

Il ne restait plus aux quêteurs qu’à ramasser les dernières aumônes et au maire, M. Mangin, d’inviter la population.
John Jussy

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